Dor
(Projet en cours)
Dor est de ces mots intraduisibles. De ceux qui n’ont pas d’équivalent dans la langue française.
Tout en rondeur et en douceur. Ce mot porte à mes yeux ce qui fait l’essence et le paradoxe des roumains : de la résistance et de la nostalgie, de la force et une forme de fatalisme. Dor est un « mot roumain qui exprime un sentiment complexe, qui mêle la nostalgie et la mélancolie, la douleur et la joie. Il exprime le souhait irrépressible et persistant de revoir quelque chose ou quelqu’un qui nous est cher ou de revivre des situations plaisantes. Il n’existe pas de mot équivalent en français, mais est décrit par Mircea Goga comme une « ardente langueur » et comme un « état de tristesse, de nostalgie, de joie, de douceur infinie, de désir, d’amertume, de mal d’aimer ». Le mot « doina », apparenté, est utilisé pour parler des poésies lyriques du folklore roumain, relatant les vicissitudes de la vie.»
C’est ce qui m’a portée et apportée en France puisque Doina, c’est également le prénom de ma mère.
Celle avec laquelle je suis arrivée en région Parisienne en 1990.
Dor c’est donc l’histoire d’une double culture, d’une redécouverte d’un pays qui, à chaque retour est à la fois changé et pourtant toujours le même. A chaque fois un retour aux sources bercé par un accent puis un retour en France toujours emprunt de nostalgie.
Dor c’est un rapport intime à l’identité, aux éléments auxquels on s’accroche dans une double culture en étant loin de son origine mais qui parfois disparaissent avec le temps. Une quête d’identité qui mêle la grande et la petite histoire. Ce fil continu qui se crée sans avoir besoin de nous et qui n’existe que parce que nous pouvons le vivre et le dérouler dans nos mémoires.
Dor c’est aussi une enquête sur le rapport que l’on a au temps. Une vie bi-nationale entre 2 rives et un temps qui file, qui s’évapore lorsque l’on n’est pas sur place. Le temps personnel et le temps collectif.
De ce temps passé qui, lorsqu’il est passé ailleurs semble s’être évaporé lors des retours en Roumanie.
Comme des ellipses dans l’histoire qui font que l’on porte parfois un regard plein de Dor sur son pays d’origine. Un territoire dont on ne se sent parfois pas légitime tant on est souvent loin.
Et puis Dor c’est enfin un projet documentaire sur la mémoire d’un passé qui a laissé ses traces sur des générations entières. Des jeunes générations qui vivent tournées vers l’occident avec parfois une avidité de consommation qui contraste avec les restrictions vécues par leurs parents. Une ancienne génération qui est parfois ancrée dans un temps révolu. Nostalgique même d’un temps passé où jeunesse et communisme se mélangent sans vraiment savoir ce que l’on regrette réellement. Le paradoxe du «c’était mieux avant». Un projet documentaire sur un territoire qui balance entre tradition et modernité occidentale, entre ancienne et nouvelle génération, entre orient et occident.